Savoirs et enseignement des sciences

De la section PCF Université Paris-Saclay

Le projet communiste s’inscrit dans le cadre d’un processus historique marqué par des événements tels que la Révolution française, la révolution industrielle du XIXème siècle, les deux guerres mondiales, la décolonisation et l’expérience soviétique au XXème, la mondialisation capitaliste et la révolution informationnelle. Il s’appuie sur les évolutions de concepts philosophiques comme les notions de liberté, d’égalité et se fonde sur le matérialisme historique développé par Engels et Marx. Il puise dans les sciences économiques les outils de dépassement du capitalisme, dans les sciences sociales la remise en cause des rapports de domination, et dans le progrès scientifique et technologique les solutions aux enjeux d’un accès raisonné aux ressources naturelles pour satisfaire les besoins matériels humains.

Le projet communiste s’appuie ainsi sur des savoirs dont la pertinence et la fiabilité sont un véritable enjeu alors que la bataille contre l’obscurantisme reste d’actualité ; falsification des faits, faux raisonnements, théories douteuses, détournement des mots et des concepts sont les outils des cyniques pour brouiller et étouffer les débats qu’ils refusent. La question des savoirs, de leur élaboration et de leur diffusion se doit de nourrir la réflexion communiste.

Les savoirs ne sont pas figés. Ils vivent. Livres, banques de données, intelligence artificielle ne sont que des outils ou des supports temporaires. Les savoirs sont l’affaire des humains qui les élaborent et les partagent afin de rendre intelligible le monde qui les entoure, d’avoir une prise sur leur environnement et leurs conditions d’existence. La construction des savoirs suit des protocoles évolutifs mais bien définis. Les méthodes scientifiques se fondent sur une démarche rationnelle confrontant au réel des concepts, des modélisations, des théories qui structurent la pensée afin de rendre intelligible et de tenter de maîtriser un phénomène. Elles aboutissent à un corpus des savoirs en perpétuelle évolution mais tout en cohérence dans sa permanente remise en question.

Les savoirs sont portés par des collectifs organisés. Ils n’ont de sens que s’ils sont partagés. Il s’agit d’abord d’éprouver leur robustesse et leur pertinence en les soumettant à une critique par les pairs c’est à dire les spécialistes du domaine envisagé. C’est le rôle de la recherche qui produit de nouvelles connaissances et garantit leur intégrité (domaine de validité, zones d’ombre à creuser, nécessité de remise en question). Dans un deuxième temps ces savoirs se doivent d’être largement diffusés, accessibles au plus grand nombre, pour interagir avec d’autres savoirs et enrichir les esprits citoyens au travers l’enseignement et l’éducation. Enfin ces savoirs peuvent aboutir à des avancées concrètes pour la société dans des innovations technologiques, économiques ou sociales.

Construction, diffusion et utilisation des savoirs sont indissociables. Ils s’alimentent les uns les autres.

Production des savoirs et accès aux connaissances sont des enjeux stratégiques, économiques et donc politiques. Leur développement est largement corrélé aux besoins militaires et économiques des puissances nationales qui tout au long de l’histoire ont investi dans la science et la technologie, favorisant la production et le partage des savoirs par souci d’efficacité (avec des coopérations internationales) tout en restreignant une diffusion large des connaissances pour obtenir une supériorité militaire ou économique dans un contexte de compétition mondiale.

La France de l’après-Seconde guerre mondiale connaît un élan inégalé d’investissements massifs dans la recherche, l’enseignement et la transmission des connaissances dans le secteur productif : création ou développement des grandes institutions publiques de recherche (CNRS, universités, CEA…), démocratisation et massification de l’enseignement et de l ‘éducation dans le secondaire et le supérieur, promotion des grandes entreprises publiques dans les domaines de l’énergie, des télécommunications, de la métallurgie, de la chimie… Ces choix sont les moteurs du développement des grandes industries, du nucléaire (militaire et civile) et de l’informatique (cryptage militaire, secteur bancaire, réseaux téléphoniques puis télématiques). Le capitalisme des Trente glorieuses s’appuie sur un vaste secteur public pour créer les savoirs dont il a besoin bien au-delà des exigences de rentabilité immédiate, ce qui lui permet de se doter d’infrastructures publiques lourdes qui favorisent l’essor du secteur industriel privé. En même temps que les services, les sciences humaines se développent et participent aux retombées sociales, certes inégalitaires et insuffisantes, de la croissance économique.

La crise de l’accumulation capitaliste déclarée dans le début des années 70, et qui porte les germes d’une crise environnementale plus large, annonce le déclin industriel, la tertiairisation et la financiarisation de l’économie dans les décennies qui suivent jusqu’à nos jours. Elle se concrétise par une course à la rentabilité, à une réduction drastique des financements des services publics et à la privatisation des fleurons industriels et bancaires nationaux. Le secteur de la connaissance, comme beaucoup d’autres, subit alors l’exigence d’une rentabilité forte des capitaux qui se traduit par le triomphe d’une vision utilitariste de la recherche et de l’enseignement, et par la volonté d’y promouvoir une logique de marché. Il s’agit alors de corseter la recherche avec des injonctions d’innovations pour des gains économiques rapides dans un contexte de compétition chère à l’économie libérale. Pour l’enseignement, l’ambition d’une éducation pour tous devient celle d’un tri de masse pour former des salariés opérationnels à moindre coût, favorisant élitisme, reproduction des inégalités sociales et défiances vis à vis des savoirs.

C’est cette confiscation de toute la chaîne de production, de partage et d’utilisation des savoirs par les logiques du marché qu’il nous faut combattre. Faisons des savoirs un bien commun. Utilisons les pour améliorer la qualité de vie du plus grand nombre en faisant reculer les inégalités. Organisons un dialogue permanent entre chercheurs, enseignants et citoyens pour décider des orientations de la recherche et du système éducatif. Favorisons les coopérations et les transferts de connaissances vers l’agriculture, l’industrie et la production de biens immatériels par une remise en cause de la propriété intellectuelle. Donnons une ambition émancipatrice à la formation en commençant par réviser les mécanismes d’orientation-sélection des élèves et des étudiants. Investissons dans les services publics d’enseignement et de recherche pour se donner les chances du progrès social.

À l’heure où les défis écologiques et sociaux qui attendent l’humanité à trop court terme nécessitent plus que jamais une intelligence collective, les savoirs, la science et ses méthodes rationnelles sont plus que jamais des enjeux de pouvoir, d’émancipation mais aussi de survie.

mai 19, 2023