Europacity : symbole de ce qu’il ne faut pas faire (L’Humanité)
URBANISATION. LE PROJET EUROPACITY CONDAMNÉ, MAIS PAS SA GARE ?
Lundi, 20 Mai, 2019Alexandra Chaignon
La lutte contre le mégacomplexe commercial, devenu le symbole « de ce qu’il ne faut pas faire », a rassemblé des centaines de personnes, ce week-end, sur le triangle de Gonesse.
«La transition, on en parle beaucoup, mais on ne la voit pas », déplore Luis, accroupi, pieds nus dans la terre, une bêche dans une main, des graines de tournesols dans l’autre. Comme plusieurs centaines de personnes, le jeune homme, qui réside à Paris, a répondu à l’appel du Collectif pour le Triangle de Gonesse (CPTG) qui organisait ce week-end les « 24 heures du Triangle », pour mobiliser contre le projet EuropaCity, ce mégacomplexe de loisirs et de commerces qui prévoit d’artificialiser ce qui reste de terres agricoles dans ce coin du Val-d’Oise. Des 1 000 hectares historiques de la zone, il ne reste en effet que 670 hectares agricoles, dont 300 sont promis à l’artificialisation et 80 au projet EuropaCity.
Non loin de là, Laurence, une militante du collectif hantée par « la monstruosité du projet », explique à des nouveaux venus le fonctionnement de l’atelier jardinage. « On se réunit un dimanche sur deux. On a déjà planté des patates et des oignons. Et là-bas, explique-t-elle en montrant de petites buttes de terres, on s’est amusé à un assemblage mexicain fait de courges, haricots et maïs ! Aujourd’hui, c’est plantation de tomates et semis de graines de courges. L’idée, c’est que les gens viennent planter, et qu’ils réagissent. »
« On va faire une gare sans savoir ce qu’il y aura autour »
Au vu de l’affluence, alors que la météo n’était pas vraiment clémente, le pari de cette troisième édition semblait réussi. « Les gens, les jeunes notamment, commencent à prendre conscience de l’enjeu de protéger la planète », analyse Laurence. En outre, et bien que des appels soient en cours, une série d’avis défavorables ont mis du plomb dans l’aile au projet EuropaCity, et du coup redonné de la vigueur à la mobilisation. Après l’annulation par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise de l’arrêté préfectoral de création de la ZAC sur le Triangle de Gonesse, le même tribunal a annulé le plan local d’urbanisme (PLU) de Gonesse, fragilisant encore un peu plus l’opération d’aménagement sur ces terres agricoles.
« Juridiquement, ces deux décisions nous sont favorables. Mais notre inquiétude, c’est la construction de la future gare du Triangle de Gonesse, sur la ligne 17 du métro du Grand Paris Express, dont le permis de construire a été validé par le préfet en septembre dernier, en dépit de l’annulation de la ZAC et du PLU. Elle est présentée comme une desserte pour les habitants, alors qu’elle est située à 2 km du centre-ville, en plein champ, explique Bernard Loup, l’infatigable président du CPTG, qui défend un projet alternatif d’agriculture maraîchère bio. On va faire une gare sans savoir ce qu’il y aura autour. On va surtout créer une situation irréversible : si la gare est construite, alors les alentours seront bétonnés, même si EuropaCity ne se fait pas. On sera dans l’obligation de résister. »
Devenue une lutte symbolique contre l’artificialisation des terres fertiles, la mobilisation des anti-Europacity a été, ce week-end, un passage obligé des candidats de gauche aux européennes. Au grand dam du maire de Gonesse, Jean-Pierre Blazy, fervent soutien d’EuropaCity, qui avait adressé un courrier aux différents intervenants pour dénoncer « la caricature faite du projet ». « Jean-Pierre Blazy affirme qu’EuropaCity amènera de l’esthétisme en banlieue. Et bien nous, nous préférons l’esthétisme des poireaux ! », lui a ainsi répondu Delphine Batho, députée et présidente de Génération écologie, rappelant que « ce combat est emblématique de la lutte contre la société d’hyperconsommation ».
« On ne peut accepter l’artificialisation des terres sans raison. On en a besoin. Au passage, il faut dénoncer le discours bidon de la famille Mulliez (propriétaire d’Auchan, promoteur d’EuropaCity – NDLR) qui veut soit-disant rendre service à la société avec ce projet. Si elle veut rendre service, comme elle le propose, qu’elle commence par payer ses impôts en France. Et qu’elle ne supprime pas 700 emplois », a pour sa part protesté Ian Brossat, candidat PCF aux européennes, quand Yannick Jadot, candidat EELV, a dénoncé un « désastre écologique, pour la biodiversité et la démocratie », exigeant de l’État « qu’il stoppe ce projet ».
Le week-end devait s’achever sur une marche citoyenne, partant du Triangle, jusqu’à la mairie de Gonesse.
Alexandra Chaignon
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