Le vrai-faux retour d’Astrid
Publié leMardi 15 Mars 2022 Sylvestre Huet
Le 9 mars, le gouvernement a lancé un nouvel appel à projets dans le cadre du programme France 2030. Doté d’un milliard d’euros, il vise à « faire émerger de nouvelles technologies nucléaires et développer en France des réacteurs innovants, intégrant une meilleure gestion des déchets ». Le texte gouvernemental évoque de « nouveaux concepts », des innovations de rupture, pour les réacteurs et la production combinée d’électricité, de chaleur ou d’hydrogène. Il précise même viser la « fermeture du cycle du combustible », donc la réutilisation de tout le plutonium produit dans les réacteurs actuels afin de diminuer drastiquement la partie susceptible d’être traitée un jour lointain comme déchet ultime.
Voilà une idée judicieuse, pourrait-on penser. Mais on est aussitôt pris d’un doute. Ces objectifs, n’étaient-ce pas ceux du projet de réacteur à neutrons rapides Astrid ? Oui. Objectifs auxquels il ajoutait surtout une utilisation beaucoup plus efficace de l’uranium, mettant à profit son isotope 238, soit 99,3 % de l’uranium naturel. Une efficacité si redoutable qu’elle ouvre la possibilité de ne plus avoir besoin d’importer d’uranium, les seuls stocks déjà constitués en France autorisant plus de mille années de production d’électricité. Bref, le moyen de la fameuse « souveraineté énergétique » que l’atroce guerre de Poutine en Ukraine a remise au premier plan.
C’était, car Emmanuel Macron a contraint le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives à stopper ce projet. Une décision prise « sans consulter la représentation nationale »,souligne dans un rapport très critique l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, à la suite d’une mission demandée par le député communiste André Chassaigne. Une faute, puisque ce projet découlait de décisions du Parlement, avec les lois sur la gestion des déchets radioactifs 2006 et 2016.
La construction d’Astrid n’avait pas commencé. Il était possible de réduire la taille et le coût du réacteur. De faire précéder le chantier par des développements technologiques susceptibles d’en améliorer le projet. Emmanuel Macron a choisi la décision solitaire et mal instruite. Aujourd’hui, il tente de se rattraper avec cet appel à projets bancal et mal préparé. Parmi les candidats de gauche à l’élection présidentielle, un seul, Fabien Roussel, avait protesté contre l’abandon du projet Astrid. Cette annonce du gouvernement est une manière originale de souligner qu’il avait raison.