Israël. Des élus français résolus à faire reconnaître l’apartheid
À l’initiative du député communiste Jean-Paul Lecoq, l’Assemblée nationale se penche ce jeudi 4 mai sur un texte qui condamne l’instauration d’un tel régime en Israël et reconnaît la solution à deux États.
Politique L’Humanité 4 Mai 2023
Réaffirmer « la nécessité d’une solution à deux États » et condamner « l’institutionnalisation par l’État d’Israël d’un régime d’apartheid consécutif à sa politique coloniale ». C’est la proposition de résolution qui sera discutée et votée ce jeudi à l’Assemblée nationale, en ouverture de la niche parlementaire des députés communistes.
Après une première version déposée en juillet 2022, ce texte sujet à des discussions tempétueuses fait son retour dans l’Hémicycle, retravaillé. Toujours sous l’impulsion du député PCF de Seine-Maritime Jean-Paul Lecoq, par ailleurs vice-président de la commission des Affaires étrangères. « Rien n’a changé dans le fond, mais nous avons modifié quelques expressions, comme “groupe racial”, qui est reconnu dans le droit international mais pas dans le droit français, et qui a pu heurter certains camarades », explique-t-il. La nouvelle mouture a été signée par 48 députés, dont 20 communistes, 25 insoumis, deux écologistes ainsi que l’élu Modem Richard Ramos.
« Tous les critères pour qualifier le régime d’apartheid sont réunis »
« Tous les critères pour qualifier le régime d’apartheid sont réunis », écrivent les signataires. Citant de très nombreux exemples documentés, la proposition de résolution affirme que « l’État d’Israël a mis en place un régime institutionnalisé d’oppression et de domination systématique appliqué à l’ensemble de la population palestinienne ».
Dominique Vidal : « Le régime d’apartheid israélien est gravé dans le marb
Dans ce cadre sont commis des « actes inhumains, (…) transferts forcés de populations, tortures et meurtres », rappelle le texte. Celui-ci énumère en outre des arrestations arbitraires, des procès non équitables, la destruction de logements, ou encore le blocus militaire israélien entravant « l’accès à l’eau, l’assainissement et l’accès à l’énergie des deux millions d’habitants de la bande de Gaza » et discrimination systématique qui a vocation à se « maintenir ».
Un sujet « clivant » au sein de l’Hémicycle
Voulant éviter tout procès en exagération, Jean-Paul Lecoq rappelle qu’il n’est pas le seul à parler d’apartheid : de nombreuses ONG, telles Amnesty International ou B’Tselem, emploient également le terme. Lors de l’Assemblée générale des Nations unies, le 28 octobre, un rapporteur spécial de l’ONU a aussi indiqué que la destruction de logements palestiniens « n’est rien d’autre que de l’apartheid ».
La maire de Barcelone, Ada Colau, ou l’ancien ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine ont, à leur tour, appelé à reconnaître l’existence d’un apartheid. Signe que le débat irrigue tous les pays et qu’il n’est pas circonscrit à un bord politique.
Malgré tout, la résolution ne fait pas l’unanimité. Jean-Paul Lecoq le reconnaît, « le sujet est clivant ». Bien minces sont les espoirs de voir la résolution adoptée. Selon nos informations, le groupe écologiste devrait voter pour, tout comme une grande majorité des députés FI et GDR.
En revanche, côté socialiste, le député Jérôme Guedj se dit, « à titre personnel, farouchement opposé au contenu de cette résolution. Je ne suis pas opposé à ce qu’on débatte du conflit, y compris à ce qu’on parle de la manière de condamner la colonisation israélienne, mais cette résolution est contre-productive tant elle verse dans la surenchère. Cela participe d’une délégitimation d’Israël ».
« Nous validons pourtant la reconnaissance des deux États », répond Jean-Paul Lecoq. D’autant que, poursuit l’élu communiste, « nous critiquons autant le Maroc, pour le Sahara occidental, la Chine pour son traitement des Ouïghours, la Turquie pour le sort réservé aux Kurdes, la France pour sa gestion de Mayotte… »
S’attendant à des répliques vives à propos de son texte, Jean-Paul Lecoq s’insurge par ailleurs contre l’idée selon laquelle « toute critique de la politique israélienne s’apparente à de l’antisémitisme ».
« Envoyer des signaux forts au gouvernement israélien »
Le chef de file des députés communistes, André Chassaigne, confie être « fier » que son groupe ait eu « le courage de déposer ce texte malgré tous les coups que nous avons pu prendre ». L’initiative est également soutenue par de nombreuses organisations engagées sur ces questions comme l’Association France Palestine Solidarité.
« Il est temps d’envoyer des signaux forts au gouvernement israélien et de dire que la manière dont il se comporte vis-à-vis du peuple palestinien ne peut plus durer. Tous les députés, enconscience, doivent dépasser les clivages politiques et voter cette résolution », indique son président, Bertrand Heilbronn.
Les signataires du texte, qui demandent au gouvernement français de déposer à l’ONU une résolution pour imposer des sanctions à Israël, « invitent ainsi la France à prendre ses responsabilités et faire preuve de cohérence si elle veut restaurer sa crédibilité sur la scène internationale ».