Élections européennes – Reprendre la main sur la recherche en Europe !

A l’approche des élections européennes, la section Université Paris-Saclay du Parti Communiste Français a décidé de montrer les entraves à la recherche en Europe et comment nous pouvons reprendre la main sur une concurrence devenue néfaste pour les populations.

Bien que la recherche française parvienne encore à faire de nombreuses prouesses saluées dans le monde entier, le déclin amorcé depuis 20 ans est indéniable. Ce phénomène, quoiqu’européen, est bien plus marqué dans notre pays : par exemple l’Observatoire des Sciences et des Techniques (département du HCERES qui évalue l’enseignement supérieur et la recherche françaises) regarde les indicateurs de productivité scientifique universitaire indique dans son rapport de 2021 que la France est le 2ème pays qui a le plus décliné sur la période 2005-2018 (derrière le Japon). Passons sur l’échec de création d’un vaccin contre le COVID-19 en France et reprenons les mots d’Emmanuelle Charpentier, prix Nobel de chimie (thèse à Paris-6, en poste à Berlin) : « La France aurait eu du mal à me donner les mêmes moyens que l’Allemagne ».

Une recherche sous le joug de la compétition européenne

Comme nous l’avons dénoncé dans une publication précédente1, pour mener à bien leur travail, les chercheurs et chercheuses dépensent leur temps et leur énergie pour répondre aux différents appels à projets (régionaux, nationaux, européens, et même privés), qui sont autant d’injonctions financières sur le contenu de leur recherche. Le financement par projet représente une vision étriquée, élitiste et court-termiste, assortie d’un contrôle administratif tatillon, expression fidèle des concepts managériaux du néo libéralisme. Cette politique européenne nous conduit à un système de recherche au service de la rentabilité immédiate qui détruit des secteurs entiers de la recherche et affaiblit au niveau européens les thématiques jugées non rentables par les politiques sans que les travailleurs de l’ESR (l’Enseignement Supérieur et la Recherche) soient consultés. Ce système fait triompher les effets de modes, les résultats spectaculaires ou bien les exigences du marché.

En 2005, le recours massif à l’ANR intervient en substitution aux dispositifs de financement incitatifs d’alors, puis des Programmes d’Investissement d’Avenir (PIA) avec la politique de l’excellence et ses acronymes en « ex » (Labex, Equipex, Idex). Il s’agissait de suivre à la lettre la Commission Européenne dans la ligne de son agenda de Lisbonne de 2000 affirmant le caractère stratégique d’un développement fondé sur la croissance et l’utilisation des connaissances à des fins productives. Le PDG du CNRS décline à sa façon ces orientations : « Il convient de trouver le juste équilibre pour travailler ensemble tout en ayant à cœur de défendre nos intérêts, par exemple face à la nouvelle donne géopolitique internationale où la Chine se place comme grande puissance rivale des États-Unis » et de poursuivre, « le problème en Europe n’est pas l’indispensable recherche fondamentale mais les stratégies disponibles pour la transformer en éléments utiles à la société et proches des marchés ».

La concurrence généralisée entre collègues et entre équipes devient la norme en Europe

Dans leur majorité, les différents programmes de soutien à la recherche supposent des collaborations au niveau international au sein de l’UE (Union Européenne). En ce sens, ils seraient plutôt favorables à un cadre de recherche coopératif. Or, depuis 2012, un financement en forte progression est celui de l’European Research Council (ERC) : 7,5 milliards d’euros distribués dans la période 2007 – 2013, et 13,1 milliards entre 2014 et 2020. Il s’agit de financements très importants (de 1,5 à 2,5 millions d’euros) attribués à des individualités, sans obligation de collaboration internationale. Le laboratoire n’est sollicité que pour s’engager à fournir un cadre favorable au projet sélectionné. Les ERC représentent une étape supplémentaire dans une politique de sélection et d’individualisation exacerbée, qui ne concernera au mieux que quelques pourcents des chercheurs européens, au détriment de tous les autres.

Qui décide, qui dirige ?

L’Europe fait, à juste titre, l’objet de profondes suspicions de la part des populations. Qui décide de quoi, qui finance quoi, qui dirige quoi ? Nous savons que ce ne sont ni les acteurs de la recherche, ni les élus, encore moins les citoyens. En fait, ce sont les grands groupes des places boursières essentiellement occidentales, à travers les 30 000 lobbyistes qui œuvrent dans le quartier européen de Bruxelles. La Commission Européenne agit essentiellement sous pression des lobbys et les commissaires sont d’autant moins porteurs de l’intérêt général qu’ils ont déjà travaillé pour ces intérêts privés ou pourront le faire un jour. De plus, les programmes de recherche sont pilotés par une armée de bureaucrates, grassement rémunérés pour veiller à l’application des dogmes, qui engloutit l’accroissement apparent de l’effort de recherche.

Alors que l’UE devrait permettre d’ouvrir plus largement la recherche européenne sur les coopérations internationales, elle tend au contraire à contraindre ces coopérations à des stratégies politico économiques et politico militaires conformes aux cadrages du G7 ou de l’OTAN. Stratégies qui ont peu de chose à voir avec les logiques de recherche et les besoins de l’Humanité. L’Europe représente un peu moins de 8% de la population mondiale (le G7 moins de 10%), or, les défis majeurs concernent toute la planète. C’est bien dans cette direction qu’il convient de tourner les stratégies de recherche et non de se replier sur une Europe forteresse. C’est d’ailleurs ce que fait depuis le longtemps le CERN (Centre Européen de Recherche Nucléaire), échappant aux tutelles et structures de l’UE, il a mis en place des partenariats ouverts sur le monde.

Avec le PCF : reprendre la main !

Face aux mutations du monde et notamment à l’émergence de pays qui jusqu’à ce jour jouaient un rôle mineur dans l’arène internationale, il s’agit bien de libérer la recherche des carcans du libéralisme, de la guerre économique mondiale que se livrent les grands trusts pour la domination des marchés et de la planète.

Dans cette optique, le Parti Communiste Français agira pour libérer l’ESR des pressions financières par le déploiement d’un fonds d’investissement européen en direction de la recherche pour la transition énergétique, la politique industrielle et agricole et pour l’innovation médicale. Contre le fonctionnement actuel de l’ERC qui consacre aujourd’hui 16 milliards d’euros à la recherche, ayant recours aux appels à projets ultra-compétitifs, une politique européenne pour les peuples doit reposer sur une administration par les pairs, et le déploiement de grands programmes d’innovation associant l’ensemble des actrices et acteurs de la recherche. Il faut réorienter les financements de l’ERC vers des projets de collaboration transnationaux en complément d’une politique de recherche nationale avec des financements récurrents et libérée de l’injonction de la rentabilité immédiate.

Parce que l’autonomie de la recherche passe par une orientation et une gestion mise en œuvre par celles et ceux qui la font vivre, il faut instaurer au niveau européen des instances directives se composant pour partie des représentants de toutes les catégories des personnels de recherche. Ces instances seront issues d’un processus électif mené sur une base nationale. Parce que les grandes orientations de recherche relèvent de l’intérêt public, les programmes scientifiques européens feront l’objet d’un vote direct par le Parlement européen et de rapports annuels devant les élus.

Ce n’est pas tout car l’ESR ce sont aussi des enseignements avec des étudiants et des diplômes : afin de démocratiser l’enseignement supérieur en France et en Europe, il faudra aussi protéger les diplômes, lutter contre le secteur privé : l’UE devra garantir que, dans l’ensemble des États membres, une même formation soit reconnue par une qualification égale, notamment le doctorat car c’est à l’échelle européenne que peut se négocier une harmonisation par le haut des salaires des doctorants. En effet, pour lutter contre la précarité à l’échelle européenne, un statut européen du doctorat doit être un véritable cadre protecteur pour leur statut de salarié et d’intellectuel mais aussi pour leur reconnaissance professionnelle et démocratique.

Si ces quelques lignes vous ont donné des éléments pour changer la donne dans la recherche européenne, alors, votez Léon Deffontaines le 9 juin 2024 et l’espoir pourrait se transformer en changements.

1 http://yvette-pcf.fr/2024/01/06/de-linefficacite-de-la-competition-dans-la-recherche/une/