Guerre Israël-Hamas : Marwan Barghouti, l’homme qui pourrait unir les palestiniens
Alors que la guerre de Netanyahou a repris vendredi, plusieurs acteurs de la région travaillent à une issue politique. Le nom du prisonnier politique palestinien figure dans un document présenté comme un « plan américain ». Il figurerait également sur la liste des prisonniers dont le Hamas exige la libération.
Mise à jour le 3.12.23 à 20:22 Pierre Barbancey L’Humanité
Ramallah (territoires palestiniens occupés), envoyé spécial.
Sur les écrans de leurs télévisions, les Palestiniens de Cisjordanie assistent impuissants au massacre des leurs dans la bande de Gaza. Sur les chaînes arabes, les images des bombardements israéliens qui ont repris vendredi sont accompagnées des chiffres glaçants du nombre de morts et de blessés.
Plus de 316 personnes ont été tuées, plus de 664 blessées, et une frappe à l’aube dimanche a fait au moins sept morts dans le secteur de Rafah, à la pointe sud de la bande Gaza, près de la frontière avec l’Égypte. Là où Tel-Aviv avait ordonné aux Palestiniens de se regrouper. Selon le ministère de la Santé de Gaza, depuis le début de l’attaque israélienne, 15 523 Palestiniens ont été tués et 41 316 blessés, dont plus de 50 % de femmes et d’enfants.
Mais à Ramallah comme à Tulkarem, Naplouse, Hébron et les villages environnant ces grandes villes de Cisjordanie, les Palestiniens voient également l’horreur en bas de chez eux. Pas un jour sans que l’armée israélienne n’investisse les camps de réfugiés ou n’épaule les colons qui déboulent en hordes, fusil à la main. Samedi, quelques heures après notre passage à Qarawat Bani Hassan, où des villageois nous disaient leur peur quotidienne, les colons israéliens ont brûlé une voiture et tué un homme de 38 ans qui, comme d’autres habitants, tentait de s’opposer à leur attaque.
À Wajih al-Qat, toujours au nord du territoire occupé, une quinzaine de colons s’en sont pris à une maison, brisant les vitres et brûlant là encore une voiture. Au sud d’Hébron, une famille qui mangeait tranquillement dans un champ a été violemment prise à partie par des soldats qui accompagnaient un colon et a dû partir.
Depuis le 7 octobre, date de l’attaque du Hamas, 3 600 Palestiniens ont été arrêtés en Cisjordanie, dont de nombreuses femmes et enfants. « Nous avons perdu confiance dans la communauté internationale, prévient Suheir Salman, membre du Bureau politique du Parti du peuple palestinien (PPP). Même la gauche européenne nous a déçus. »
Un plan présenté comme « américain »
Alors que la guerre se poursuit à Gaza et qu’en Cisjordanie tout est fait pour empêcher les Palestiniens de vivre, des scénarios divers émergent pour imaginer l’avenir. Des textes circulent, parfois présentés comme relevant d’un plan américain sans que l’on puisse déterminer sa réelle origine.
L’un d’entre eux, qui développe 18 points et que l’Humanité a pu consulter, commence ainsi : « Le directeur de la CIA américaine, William Burns, s’est rendu au Qatar pour superviser personnellement les négociations en cours à Doha. Il était porteur d’un plan américain élaboré dans les cercles des services de renseignement et de l’Agence nationale de sécurité (NSA) des États-Unis, et élaboré en coopération avec les services de renseignement de l’Égypte, de la Turquie, du Qatar et de la Jordanie. »
Il y est évoqué notamment « un changement global de la direction politique et sécuritaire palestinienne », la tenue d’élections palestiniennes, y compris à Jérusalem-Est, et la mise en place d’une période de transition avec un nouveau gouvernement. Dans ce cadre, plusieurs noms sont avancés, dont celui de Marwan Barghouti. Le leader palestinien, emprisonné depuis avril 2002, serait même envisagé comme président de l’Autorité palestinienne, selon le texte.
Par ailleurs, une source palestinienne nous a confirmé que des contacts avaient bien lieu entre des proches politiques de Marwan Barghouti et ceux de Mohammed Dahlan. Ce dernier est l’ancien chef de la sécurité préventive de l’Autorité palestinienne à Gaza, d’où il est originaire, mais en rupture de ban avec le président Mahmoud Abbas. Conseiller de l’émir des Émirats arabes unis (EAU) où il est réfugié depuis des années, il ne cache pas sa volonté de revenir au pouvoir. Il est aidé en cela par de nombreux pays du Golfe, dispose de beaucoup de fonds et de relais en Cisjordanie, y compris au sein du Fatah et dans les services de sécurité.
C’est lui qui avait engagé ses troupes à mener la bataille les armes à la main contre le Hamas, en 2007 à Gaza. Bataille qu’il avait perdue. Depuis, bien de l’eau a coulé sous les ponts. Outre les EAU, il serait soutenu par l’Égypte et la Jordanie. Même ses différends avec le Hamas semblent effacés.
En 2018, alors que nous nous trouvions dans la bande de Gaza, d’immenses panneaux publicitaires étaient recouverts d’affiches à son effigie. Interrogé sur ce point par l’Humanité – « N’est-ce pas votre ennemi ? » demandions-nous – un porte-parole du Hamas a éclaté de rire avant de lâcher : « Ça, c’était avant ! »
« Maintenant c’est l’occupation ou la libération »
Un scénario plausible donc. Encore faudrait-il que Marwan Barghouti soit libéré, alors qu’en réalité Netanyahou refuse désormais tout échange. La question n’est cependant pas incongrue. Le Hamas a déjà fait savoir qu’il voulait la libération de tous les détenus palestiniens, à commencer par ceux qui ont été condamnés à vie, ce qui est le cas de Marwan Barghouti.
Selon nos informations, le Hamas a effectivement établi une liste sur laquelle figure Marwan Barghouti, ainsi qu’Ahmed Saadate, le secrétaire général du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), et six prisonniers originaires de Jénine qui, en 2021, étaient parvenus à s’évader de la prison de Gilboa en creusant un tunnel avec des cuillères. Un ustensile devenu depuis un symbole de la libération de la Palestine, et brandi durant les manifestations.
Plusieurs membres du comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), que nous avons pu rencontrer, ont eu ce fameux document entre les mains. Selon eux, certains éléments contenus ont bien été évoqués, mais ils restent très prudents. Samedi soir, le comité exécutif (CE) de l’OLP, élargi au comité central du Fatah et aux secrétaires généraux de tous les partis, s’est réuni à Ramallah sous la présidence de Mahmoud Abbas.
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Le FPLP, qui a suspendu sa participation aux travaux de l’OLP depuis plusieurs années, n’était pas présent. S’il a bien été réaffirmé la volonté de l’OLP « d’obtenir un cessez-le-feu et de refuser une nouvelle Nakba », il semble que les discussions ont achoppé sur les points importants de l’unité du mouvement national palestinien (ce que plaide la gauche au sein du CE de l’OLP : PPP, FDLP, Fida, ainsi qu’une personnalité comme Mustapha Barghouti – qui refuse la fausse équation « Hamas = Daech »).
Surtout, comme le précise à l’Humanité Bassam Saleh, secrétaire général du PPP, « il y a un avant et un après 7 octobre. Maintenant c’est l’occupation ou la libération. L’heure n’est plus à des périodes de transition. Et nous n’acceptons pas que notre avenir soit défini ou élaboré par des puissances étrangères ». La seule chose sur laquelle tous semblent s’accorder : Marwan Barghouti est le seul capable de réunir tous les Palestiniens.