Covid-19. La 5e vague loin d’être sous contrôle
Jeudi 2 Décembre 2021Alexandra Chaignon (L’Humanité)
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Alors que le nombre de cas augmente, les scientifiques plaident pour un renforcement des mesures barrières, tout en admettant qu’il n’y a pas de « solution miracle ».
Il y a quelques jours, Gabriel Attal, le porte-parole du gouvernement, prévenait : « La 5e vague démarre de façon fulgurante. » Les chiffres ne cessent de lui donner raison. Sur les dernières vingt-quatre heures, 47 000 nouveaux cas positifs ont été enregistrés. En l’espace d’une semaine, ce chiffre a bondi de 60 %. Du coup, la situation dans les hôpitaux commence à se tendre. Au niveau national, le nombre de malades du Covid hospitalisés vient de dépasser le seuil des 10 000 (+ 40 %), dont 1 824 en réanimation. Des chiffres similaires à ceux enregistrés il y a un peu plus d’un an, à la mi-octobre, à la veille du second confinement…Lire notre débat : Table ronde. Covid : comment endiguer la 5e vague… et celles d’après ?
Bien sûr, la situation n’est en rien comparable. La vaccination a considérablement changé la donne. À ce jour, 75,4 % de la population française possèdent un schéma vaccinal complet (deux doses). « Dans le contexte du variant Delta, la vaccination a permis de ne pas saturer les hôpitaux. Mais on commence à devoir rouvrir des lits, on voit à nouveau des infections nosocomiales au Covid-19 », a indiqué l’infectiologue Karine Lacombe, invitée à une table ronde sur les perspectives d’évolution de l’épidémie, organisée, mardi 30 novembre, par la mission d’information sur le Covid du Sénat.
Miser davantage sur des systèmes d’aération-ventilation
Pour freiner la vague actuelle, le gouvernement mise toujours sur la vaccination – aller chercher les non-vaccinés – et sur les rappels, qu’il a élargis à toute la population adulte déjà vaccinée. « Le vaccin est efficace contre les formes graves, mais moins dans les transmissions, sans doute de l’ordre de 50 % et peut-être même seulement de 30 % quand on commence à être loin de la vaccination, au bout de cinq à six mois », a expliqué, pour sa part, Dominique Costagliola, épidémiologiste, directrice de recherche honoraire à l’Inserm, également entendue par la mission sénatoriale. Des assertions corroborées par les dernières données concernant le nombre de contaminations parmi les personnes vaccinées. Au 14 novembre, on dénombrait 66,43 cas positifs pour 100 000 personnes (+ 41 %).
CARTE INTERACTIVE Décès, hospitalisations : comment les vagues épidémiques ont frappé votre région depuis mars 2020
Selon la chercheuse, « le vaccin est contributif, mais ça ne suffit pas pour espérer maîtriser la situation » avant que se répande le variant Omicron. Celui-ci semblerait plus transmissible, mais on ne sait pas encore s’il est associé à des formes plus graves et si les vaccins restent efficaces. À supposer qu’il prenne le pas sur le variant Delta, il lui faudra un certain temps, plusieurs semaines.Lire aussi : Covid-19. Omicron, le variant qui fait trembler la planète
En attendant, l’épidémiologiste plaide pour « faire de la prévention combinée », c’est-à-dire « utiliser toutes les mesures à disposition en se servant de celles qui sont les moins contraignantes dans la vie de tous les jours » : port du masque bien évidemment, mais aussi mise en place de systèmes d’aération-ventilation et de mesure du CO2 dans tous les lieux clos (écoles, entreprises, lieux recevant du public), des dispositifs pourtant peu développés. « Il n’y a pas de solution miracle, il y a une série de petits progrès qu’on peut faire », a corroboré devant les députés, mercredi, le Pr Delfraissy, président du conseil scientifique.
Scepticisme face au nouveau protocole dans les écoles
Autre pilier des mesures de contrôle : le télétravail. « Moins de gens ensemble, c’est moins d’occasions d’attraper et de faire circuler le virus qui se transmet par aérosols. Cela signifie aussi moins de gens dans les transports en commun, dans des endroits concentrés où il y a un fort risque de s’infecter », a insisté Dominique Costagliola.
Alors que le taux d’incidence explose chez les enfants, l’épidémiologiste n’a d’ailleurs pas caché son scepticisme face à l’allégement du protocole dans les écoles primaires. « Le seul objectif, c’est la non-fermeture des classes et non le contrôle de l’épidémie. On permet au virus de se répandre. Cela me paraît une très mauvaise idée, a-t-elle déploré, énumérant quelques données récentes : « 69 enfants hospitalisés de moins de 10 ans, 63 entre 10 et 19 ans, 9 décès depuis la mi-juin, dont trois dans les dix derniers jours… Pourquoi devrait-on accepter que les enfants aillent à l’hôpital et aient, pour certains, des séquelles à long terme ? »Cet article pourrait aussi vous intéresser : Covid-19. Pourquoi Blanquer allège le protocole dans les écoles primaires
Apporter des solutions au niveau international
Quant à savoir quand la situation sera sous contrôle, personne ne peut y répondre. Selon les prévisions publiées en début de semaine par l’Institut Pasteur, il suffirait de respecter un peu mieux les gestes barrières pour réduire considérablement le pic des hospitalisations, prévu pour le début 2022.
Pour Yazdan Yazdanpanah, directeur de l’Agence nationale de recherche sur les maladies infectieuses émergentes et professeur en maladies infectieuses, « une augmentation de 10 % du respect des gestes barrières peut avoir des effets ».Mais, comme l’a rappelé le chercheur, « on est dans une pandémie qui touche le monde entier. Et on sera confronté à des variants tant que le virus continuera de circuler. Il faut donc y répondre de manière internationale ». « À plusieurs reprises, on a entendu dire que la situation était sous contrôle, et de nouvelles vagues sont arrivées. Il va falloir attendre un moment que la situation se calme avant de baisser le niveau des mesure s et dire que ça va mieux ! assène Dominique Costagliola. Il est extrêmement difficile de se le dire, mais c’est la leçon à tirer de ces deux dernières années. »