Que vaut la science ?
Publié leMardi 29 Mars 2022 Sylvestre Huet
Quelle est la valeur de la science ? En quoi se distingue-t-elle des autres approches du réel, littéraire, poétique, sensible, émotionnelle, religieuse, mythologique… La réponse à la question, explicite ou implicite, tend souvent à les hiérarchiser plutôt qu’à les décrire. À les poser en alternatives exclusives plutôt qu’à rechercher les complémentarités. Et le résultat est souvent un dialogue de sourds. Une situation inconfortable. Lorsque vous êtes au sommet du mont Lozère, au pic de Finiels, en connaître l’origine géologique est-il supérieur à l’émotion suscitée par le paysage et le plaisir de la marche ?
Le dernier rapport du groupe 1 du Giec, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, publié en août 2021, répond à cette question et suggère la bonne attitude. On y lit ceci : « La connaissance scientifique interagit avec des conceptions préexistantes de la météorologie et du climat incluant des valeurs et des croyances provenant d’identités nationales et ethniques, de traditions, de religions ou de relations avec les terres et les océans. La science possède toutefois des valeurs propres incluant l’objectivité, l’ouverture d’esprit et une analyse fondée sur les preuves de faits établis selon la méthode scientifique. »
Nulle hiérarchie dans cette présentation respectueuse des croyances et des valeurs de tous. Mais une affirmation forte. Celle des valeurs propres à la science. Elle permet d’exiger des artisans et porteurs des autres approches le même respect et la même reconnaissance. Il est respectable de lire la Bible ou le Coran. Mais on ne peut y trouver « une analyse fondée sur les preuves de faits établis selon la méthode scientifique ». Vénérer Pachamama est respectable, mais si l’on veut agir efficacement contre la menace du changement climatique, il faut pouvoir compter sur des informations fiables sur les causes, mécanismes et conséquences de nos émissions de gaz à effet de serre. De même que sur les aspects scientifiques et techniques des solutions possibles à la crise climatique.
L’approche scientifique du réel ne prétend pas disputer à d’autres le terrain du sens de la vie. Lorsque des scientifiques s’y aventurent, ils sortent de leur métier (ce qu’ils ont le droit de faire). Le socle de l’éducation à la science est en revanche la (re)connaissance de ses valeurs propres et de sa capacité unique nécessaire à l’appropriation du réel permettant une action efficace. La crise sanitaire a montré que, pour nombre de citoyens, ce socle reste à construire.