Apartheid en Palestine : le rapport à l’ONU de Richard Falk et Virginia Tilley
https://www.france-palestine.org/IMG/pdf/rapport_falk_pages.pdf
FACE À LA CENSURE, L’EXIGENCE DE LA VÉRITÉ ET DU DROIT
Le texte dont le lien est donné ci dessus date de 2014, il est d’une actualité encore plus criante. Il est intitulé :
Les pratiques israéliennes
à l’égard du peuple palestinien et la question de l’apartheid.
Richard Falk et Virginia Tilley
On pourra aussi aller sur le lien :
Le Conseil des droits de l’homme examine le rapport sur la situation dans les territoires palestiniens occupés https://www.un.org/unispal/wp-content/uploads/2011/03/HRCPRf_210311.pdf
Face à la censure, l’exigence de la vérité et du Droit (Introduction eme Ivar Ekeland et Bertrand Heilbronn)
L’État d’Israël est-il coupable du crime d’apartheid vis-à-vis du peuple palestinien ?
Les Palestiniens sont soumis de la part de l’État d’Israël à un processus de dépossession de leurs terres et de leurs ressources, d’enfermement, de destruction de leur société. Et lorsque l’on observe la situation des Palestiniens de Cisjordanie et de Jérusalem, de Gaza, d’Israël même, ainsi que dans les camps de réfugiés, le terme d’apartheid s’impose naturellement.
Mais il était particulièrement important, et d’une autre nature, qu’une agence de l’ONU pose la question en termes juridiques. Le crime d’apartheid est en effet un crime contre l’humanité, contre lequel les Nations Unies et leurs États membres ont l’obligation d’agir.
C’est la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale (CESAO) de l’ONU qui a pris l’initiative de commander à deux juristes de renommée internationale, Richard Falk et Virginia Tilley, une étude sur cette question. Leur rapport, publié sur le site de la CESAO, conclut au terme d’une étude approfondie qu’il existe de très fortes présomptions qu’Israël soit coupable du crime d’apartheid vis-à-vis du peuple palestinien. Mais toute vérité n’est pas bonne à dire : cédant aux pressions d’Israël et des USA, le Secrétaire Général de l’ONU a exigé au bout de quelques jours le retrait de ce rapport. Unanimement respectée, la directrice exécutive de la CESAO, Rima Khalaf, a préféré démissionner.
La publication par nos soins de ce rapport dans sa version française est d’abord un acte de résistance contre cette censure. Nous voulons saluer le courage des deux auteurs, qui ont tenu bon malgré la pression, et la qualité de leur travail qui combine expertise juridique et connaissance approfondie de la situation : Richard Falk a été, de 2008 à 2014, le rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits de l’Homme dans les territoires palestiniens occupés, et il sait de quoi il parle.
Cent ans après la déclaration Balfour, qui marque la responsabilité des grandes puissances dans la situation, la question de la Palestine n’est pas résolue, mais elle est toujours posée, et traîne avec elle un long cortège de violences et d’injustices. Tant qu’elle ne sera pas réso- lue, tant que le peuple palestinien n’aura pas pu exercer son droit à l’autodétermination, la violence et l’injustice continueront.
Ce n’est pas en cachant les problèmes qu’on les résout. Il appartient aux Nations Unies et à l’ensemble de ses États membres, dont la France, de prendre leurs responsabilités en imposant le droit.
L’AFPS et l’AURDIP s’honorent de parrainer la visite de Richard Falk en France, et remercient tout spécialement la Fête de l’Humanité de lui donner l’occasion de s’exprimer.
Ivar Ekeland
Vice-président de l’AURDIP (Association des Universitaires pour le Respect du Droit International en Palestine)
Bertrand Heilbronn
Président de l’AFPS (Association France Palestine Solidarité)
On reproduit ci dessous la première partie des conclusions du rapport, le lien vers le rapport complet est
https://www.france-palestine.org/IMG/pdf/rapport_falk_pages.pdf
Conclusions :
Ce rapport établit, sur la base de recherches académiques et de preuves accablantes, qu’Israël est coupable du crime d’apartheid. Cependant, seul le jugement d’un tribunal international dans ce sens rendrait une telle évaluation réellement officielle. Les auteurs, par conséquent, exhortent les Nations Unies à mettre en œuvre de toute urgence les conclusions du rapport en assumant leurs responsa- bilités internationales en lien avec le droit international et les droits du peuple palestinien, pour deux raisons. Premièrement, la situation évaluée dans le rapport est en cours. De nombreuses investigations de crimes contre l’humanité ont été menées sur des événements ou des comportements du passé, tels que des guerres civiles impliquant des génocides ayant officiellement pris fin. Dans de tels cas, la communauté internationale ne fait face à aucune pression particulière d’agir dans les meilleurs délais pour mettre un terme à un crime en cours avant d’enquêter sur les faits juridiques de la culpabilité. Dans le cas d’Israël-Palestine, tout retard aggrave le crime en prolongeant l’assujettissement des Palestiniens à la pratique active d’apartheid par Israël. Une action rapide est donc impérative pour éviter davantage de souffrance humaine et mettre fin au crime contre l’humanité qui est commis en ce moment même.
Deuxièmement, l’extrême gravité des charges requiert une action rapide. Depuis les années 1970, période durant laquelle la campagne internationale qui s’est opposée à l’apartheid en Afrique australe a pris de la vitesse, l’apartheid est considéré, dans les annales des Nations Unies et dans l’opinion publique mondiale, comme le deuxième crime le plus grave, après le génocide, dans la hiérarchie de la criminalité 91. Par conséquent, les auteurs de ce rapport demandent à la communauté internationale d’agir immédiatement, sans attendre d’assertion plus officielle de la culpabilité de l’État d’Israël, de son Gouvernement et de ses élus, qui participent à la commission du crime d’apartheid.
Tout en appelant à une action rapide pour s’opposer et mettre un terme à ce régime d’apartheid, les auteurs de ce rapport exhortent les organes officiels à évaluer, de toute urgence, les conclusions du rapport. Les opinions de l’Assemblée générale, de la Cour internationale de Justice (CIJ) et de la Cour pénale internationale (CPI) sont tout particulièrement cruciales, bien que les appréciations des tribunaux nationaux soient également pertinentes pour l’interprétation du droit pénal international et pour l’évaluation de son application par les États Membres. Partant de ces conclu- sions, les États et les instances des Nations Unies pourraient délibérer, sur la base solide du droit international, sur comment s’acquitter au mieux de leurs respon- sabilités afin de mettre un terme au crime d’apartheid et de domination envers le peuple palestinien. Quoi qu’il en soit, en attendant que ce processus de délibération plus approfondi ait lieu, les auteurs de ce rapport concluent que le poids des preuves confirme, au-delà de tout doute raisonnable, qu’Israël est coupable d’imposer un régime d’apartheid sur le peuple palestinien.
La prohibition de l’apartheid est considérée jus cogens en droit international coutumier. Les États ont les obligations collectives et individuelles (a) de ne pas reconnaître comme légal un régime d’apartheid; (b) de ne pas aider ou assister un État dans son maintien d’un régime d’apartheid ; et (c) de coopérer avec les Nations Unies et les autres États pour mettre fin aux régimes d’apartheid. Un État qui ne remplit pas ces obligations pourrait lui-même être tenu responsable d’avoir commis des actes illicites impliquant une complicité dans le maintien d’un régime d’apartheid. Les Nations Unies et leurs agences, ainsi que tous les États Membres, ont l’obligation légale d’agir, dans la mesure de leurs capacités, afin d’empêcher ou de punir les cas d’apartheid portés de façon responsable à leur attention.
Les organisations de la société civile et les individus ont également le devoir moral d’utiliser les instruments dont ils disposent pour sensibiliser le public au sujet de cette entreprise criminelle en cours, et pour faire pression sur Israël afin qu’il démantèle les structures de l’apartheid et négocie de bonne foi pour une paix durable qui reconnaisse les droits des Palestiniens en conformité avec le droit international, et fasse en sorte que les deux peuples vivent ensemble sur la base d’une réelle égalité.
L’apartheid en Afrique australe a pris fin en partie grâce au cumul des répercussions d’une variété de mesures, dont les sanctions économiques et le boycott sportif, entre- prises avec la bénédiction des instances des Nations Unies et de nombreux États Membres, et avec un soutien populaire dans les États ayant des liens stratégiques et économiques forts avec l’Afrique du Sud. L’efficacité de la campagne anti-apartheid a été, en grande partie, le fruit du militantisme transnational de la société civile, qui a renforcé le consensus intergouvernemental qui s’était formé aux Nations Unies.