Contre Amazon une offensive inédite (L’Humanité)
Mercredi 4 Novembre 2020Clotilde Mathieu
https://www.humanite.fr/commerces-contre-amazon-une-offensive-inedite-695728
Maires et commerçants lancent des plateformes locales pour empêcher que le géant de la vente en ligne ne profite de la fermeture des commerces de proximité.
Depuis dimanche, jusqu’au gouvernement, les appels au boycott d’Amazon se multiplient. Après le premier ministre, c’était à la ministre de la Culture d’en remettre une couche, ce lundi : « Oui, Amazon se gave, à nous de ne pas les gaver, en n’allant pas sur les plateformes. » Déjà Bruno Le Maire avait envoyé le signal en proposant aux Français d’user de patriotisme. « Si vous pouvez trouver votre jouet dans un commerce de proximité, votre livre chez un libraire indépendant et qu’il suffit de passer un coup de fil pour le commander, faites-le ! » avait lancé le ministre de l’Économie. Pour tenter de faire oublier la colère des commerçants, hostiles à la fermeture imposée par le gouvernement, le gouvernement a trouvé une cible facile : Amazon. C’est pourtant ce même gouvernement qui, ce jeudi, s’apprête à autoriser l’apparition d’un méga-entrepôt d’Amazon à Ensisheim, dans le Haut-Rhin… Et qui n’a jamais obligé Amazon à payer ses impôts en France.Lire aussi : Moratoire sur les zones commerciales : pourquoi Amazon et Alibaba y échapperaient ?
Pendant ce temps-là, élus locaux et commerçants tentent de se mobiliser pour empêcher les plateformes, dont Amazon, d’être les grands gagnants de ce nouveau confinement. À Limoges, Shop in Limoges ouvrira jeudi. Il regroupe une quarantaine de boutiques pour développer un « mini-Amazon local ». « Le client pourra ainsi effectuer un choix parmi des milliers d’articles en vitrine, charge à nous de les rassembler dans un lieu de stockage pour ensuite les livrer aux particuliers dans un rayon de 30 kilomètres autour de Limoges. Il est possible également de venir récupérer sa commande » au local en centre-ville, explique François Pailloux, à la tête de l’association organisatrice, Pignon sur rue 87, à l’initiative du projet.Lire aussi : Petits commerces : le RN et la droite dégainent la carte de l’arrêté municipal démagogique
La communication est primordiale
Comme à Limoges, un peu partout en France, des solutions locales tentent de se mettre en place, avec l’aide de la plateforme Ma ville, mon shopping, créée au printemps dernier. Un support qui permet aux commerçants en un temps record de créer un site Internet pour permettre le fameux « click and collect » (récupérer un produit après l’avoir commandé sur Internet). Le client y retrouve également le nom et les coordonnées directes du commerçant pour garder cette relation de proximité, mais aussi la géolocalisation du magasin, ainsi que des photos lui permettant de choisir l’article, explique une des associations de commerçants. À Villejuif, si la plateforme locale est une piste de réflexion, la ville a commencé par recenser les commerces, en relayant les informations directement sur son site Internet. Dans son adresse aux habitants, le maire de la ville du Val-de-Marne a pris soin de communiquer sur l’importance de consommer local, « une manière aussi de les soutenir ».Lire aussi : « Fermer les commerces de proximité, c’est dénier leur rôle social », prévient Vincent Chabault
Dans cette course contre Amazon, la communication est primordiale. « Dans ma commune, il y a tout un tas de personnes qui ne savent pas ce que veut dire ce terme de click and collect », se désole le maire de Montataire (Oise), Jean-Pierre Bosino. À Nantes (Loire-Atlantique), un plan de communication, avec des affichettes « boutique joignable » sur les vitrines des commerces fermés, est par exemple envisagé.Lire aussi : À l’heure du reconfinement, une mobilisation inédite pour l’ouverture des librairies indépendantes
Aussi louables soient-elles, ces initiatives ne sauveront cependant pas à elles seules le petit commerce. La vente digitale « est une goutte d’eau », rappelle le président de l’association des commerçants de la ville de Nantes. Si la numérisation est aujourd’hui un passage obligé, cela ne remplacera jamais l’activité de fin d’année, qui représente 30 % de notre chiffre d’affaires annuel, poursuit-il.
« Après tous les efforts que l’on a faits pour revitaliser les bourgs, un retour en arrière serait catastrophique. »
LOUIS PAUTREL Président de l’Association des maires ruraux d’Ille-et-Vilaine
Dans les communes rurales, l’inquiétude est forte. À Montataire, « la fermeture de l’usine Chausson en 1993 avait entraîné une baisse du chiffre d’affaires des petits commerçants de 30 % et beaucoup ne s’en sont jamais relevés ». Le maire explique que, « entre la fermeture et les restructurations des usines, les centres commerciaux, nous n’avons plus aucun marchand de journaux, ni librairie, et pour garder notre fleuriste, la ville a préempté un local commercial, avec un loyer défiant toute concurrence. Conserver nos commerces est un combat difficile d’ordinaire, alors là… ». Un cri d’alerte partagé par Louis Pautrel, président de l’Association des maires ruraux d’Ille-et-Vilaine : « Après tous les efforts que l’on a faits pour revitaliser les bourgs, un retour en arrière serait catastrophique. » Le gouvernement le sait. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les ventes en click and collect ne seront que « du plus », non comptabilisées pour l’obtention du fonds de solidarité. Jeudi, il précisera les solutions existantes pour permettre aux petits commerces de proximité de réaliser leur transformation numérique.