A priori et biotechnologie
Publié le Lundi 21 Février 2022 par Sylvestre Huet
Le 9 février, la revue scientifique Nature a publié un article d’une équipe chinoise (1) dirigée par une star mondiale de la génétique, Caixia Gao. L’article annonce la création d’une variété de blé rendue résistante à un champignon, l’oïdium, et dont la croissance n’est pas ralentie. Or, souvent, manipuler un génome pour obtenir une résistance à une maladie se paye d’une croissance riquiqui.
Ce blé a vu son génome « édité » à l’aide de l’outil moléculaire Crispr-Cas9 (ses deux inventrices ont reçu le prix Nobel de chimie en 2020). Un tour de force, car le blé possède un génome ternaire. Il fallait donc opérer une triple microchirurgie de son ADN afin d’obtenir une plante résistante à l’oïdium.
L’oïdium ! Ce champignon destructeur infecte d’innombrables plantes, des légumes aux céréales en passant par la vigne. Les agriculteurs le combattent souvent en utilisant des fongicides chimiques vendus par l’industrie. Fongicides dont l’efficacité baisse par un usage trop fréquent et qui polluent l’environnement. Obtenir une plante résistante à l’oïdium, par une manipulation n’introduisant pas un gène venu d’ailleurs mais en libérant une capacité inhibée de son génome, constitue une solution efficace et écologique.
Cette avancée scientifique sera utilisée. Car le gouvernement chinois vient d’autoriser, le 24 janvier 2022, l’utilisation à grande échelle de plantes dont le génome a été « édité » par la technologie Crispr. Les États-Unis considèrent une telle transformation comme une sélection de semences classiques. L’Union européenne, en revanche, y voit un organisme génétiquement modifié contraint de se plier à une réglementation beaucoup plus sévère avant son déploiement.
Qu’en conclure ? Que les biotechnologies offrent un potentiel d’actions à sélectionner en fonction de leur impact agronomique, écologique et social. Si l’impact d’une action est triplement positif, ne pas l’utiliser risque de perpétuer des pratiques nocives. S’il est négatif pour la société ou l’environnement, mais profitable pour les actionnaires d’une entreprise, alors il faut le bannir. Toute approche idéologique, pour ou contre la technologie par principe sans en examiner les résultats concrets au cas par cas, révèle une pensée binaire incapable de trier le bon grain de l’ivraie. Un candidat à une élection – présidentielle, par exemple – peut être jugé à l’aune du choix qu’il opère entre ces deux attitudes.
(1) « Genome-edited powdery mildew resistance in wheat without growth penalties », Shengnan Li et al., Nature, 9 février 2022.